LA RÉSURRECTION DE L`OEUVRE ARCHITECTURALE D`IMHOTEP À SAQQARAH.

Profesor Jean-Philippe Lauer.

Miembro de Honor del Instituto de Estudios del Antiguo Egipto.

 

A Imhotep y a Jean-Philippe Lauer.

                                    Dos arquitectos, dos épocas, una eternidad...          

                                                                                                                                            

    Selon l'historien Manéthon, prêtre égytien du IIIème siècle avant notre ère, "c'est [à la IIIème dynastie,env.2720-2640] sous le règne de Tosorthros [ou Sésorthos] que vécut Imhoutès qui,en raison de sa médicale est considéré comme Asklépios; il fut l'inventeur de la construction en pierre de taille et s'adonna également à l`art d'écrire".

     Or depuis longtemps le nom de Tosorthros ou Sésorthos a été identifié par les égyptologues à celui du roi Zoser ou Djoser, tandis que celui d'Imouthès l'était à Imhotep, son premier ministre, architecte et médecin. Ce dernier vénéré comme un sage à l'Ancien et au Moyen Empire, puis au Nouvel Empire comme un savant, supérieur des prêtres-lecteurs el patron des scribes en raison de ses écrits auxquels il est parfois fait allusion, paraît dès l'époque ramesside au Papyrus royal de Turin avoir été considéré comme le fils du grand dieu Ptah de Memphis. Cette origine divine lui est ensuite attribuée de façon constante aux époques saïte et perse, et peu après il sera déifié pour sa science médicale. Selon certains textes ptolémaïques, un temple, Asklépéion encore à découvrir, fut édifié pour son culte près de Memphis aux approches du Sérapéum, par conséquent à Saqqarah, où précisément quelques statuettes de lui en bronze ont été recueillies

     Néanmoins, l'existence même d'Imhotep sous le règne de Djoser pouvait paraître encore plus ou moins lègendaire avant la découverte en 1.926, par l'archéologue anglais Cecil Firth, de son nom et de sa titulature gravés sur un socle de statue de l'Horus Neterikhet (c'est-à-dire Djoser, nous allons le démontrer); ce socle fut recueilli à quelques dizaines de mètres au Sud de la colonnade d'entrée du vaste ensemble monumental édifié autour de son tombeau, la célèbre Pyramide à degrés. La découverte de ce socle corrobore, en effet, par le nom et la titulature d'Imhotep qu'il comporte, l'identité de l'Horus Neterikhet et du roi Sésorthos de Manéthon, autrement dit le Zoser des listes hiéroglyuphiques royales du Nouvel Empire. Cette identité seulement établie jusque là par un document ptolémaïque, la stèle de l'île de Séhel, toute proche d'Assouan, relatant la consultation d'Imhotep par Djoser à propos d'une famine, et donnant le protocole complet de ce pharaon  avec ses deux noms Horus Neterikhet et Djoser dans un cartuche, se trouvera en outre confirmée par des graffiti de visiteurs du Nouvel Empire relevés sur les parois intérieures des deux édifices du complexe monumental de la Pyramide à degrés, appelés "la maison du Sud" et "la maison du Nord". Ces scribes, qui semblent ignorer le nom d'Horus Neterikhet, disent être venus visiter le temple du roi Djoser "le justifié".

     Mais voyons le socle en question sur la première diapositive: à sa partie supérieure, en premier plan, trois oiseaux rekhytou figurent en léger relif le peuple égyptien devant la statue de l'Horus Neterikhet, dont seuls conservés les pieds foulant les "neuf arcs", c'est-à-dire les tribus étrangéres soumises. Sur sa partie frontale le socle présente en son centre le nom d'Horus du roi Djoser, "Neterikhet" dans le serekh surmonté du faucon, et face à ce dernier, au lieu du protocole habituel n-sw-bit comprenant le roseau de la Haute-Égypte et l'abeille de la Basse-Égypte suivis du nom du roi, l'abeille se trouve ici seule, suivie de deux signe sn, qu'il semble difficile de considérer comme son nom de roi simplement de Basse-Égypte, ce dont on ne connaît pas d'autre exemple à cette époque. Il semble ainsi plus probable qu'il s'agirait là au lieu du nom du roi du Nord d'une qualification particulièrement importante d'Imhotep par rapport à ce dernier.

     Cette inscription centrale est bordée à droite par un noeud d'Isis et à gauche par un pilier Djed (symbole de résurrection et de stabilité). A droite du noeud d'Isis, deus autres piliers Djed encadrent un second noeud d'Isis.

     Du côté gauche, avant le premier pilier Djed, la titulature suivante est gravée en relief: "le chancelier du roi de Basse-Égypte, le premier après le roi de Hautre-Égypte,l'administrateur de la maison royale, le noble héréditaire, le grand prête d'Héliopolis, Imhotep". Son nom surmonte alors une dernière ligne de titres plus modestes: charpentier-constructeur, sculpteur-graveur et probablement fabricant de vases de pierre (grande industrie de l'époque) dont on n'entrevoit que l'extrémité d'un signe.

     La question s'est ainsi posée de savoir si ces derniers titres concernaient également Imhotep, ou s'ils ne se seraient pas appliqués plutôt à un autre personnage?. On si, comme le propose à juste titre Battiscombe Gunn, l'inscription avait été bordée à gauche par un dernier  noeud d'Isis, la place aurait manqué ajouter là un autre nom. C'est pourquoi nous avions suggéré qu'il pourrait s'agir des principaux corps de métier travaillant à la réalisation de la demeure d'éternité du roi sous la direction d'Imhotep, qui les représentait ainsi en personne. Ce point de veu a été admis depuis par le Professeur D.Wildung dans sa savante trèse sur Imhotep et Amenhotep.

     Quoi qu'il en soit, Imhotep eut ainsi l'insigne honneur de pouvoir faire figurer son nom et toute sa titulature sur la première statue royale visible lorsqu'on avait pénétré dans le complexe funéraire, oú elle aurait été placée sans doute dans le petit sanctuaire disposé immédiatement au Sud du milieu de la colonnade d'entrée.

     Tout cela confirme donc parfaitement le dire de Manéthon, à condition, toutefois, d'interpréter le terme d'"inventeur" de la construction en pierre de taille, non de façon absolue, mais dans le sens plus large de premier grand promoteur,car quelques

exemples d'emplois partiels appareillées en assises réglées sont

connus avant le règne de Djoser, mais sur de très petites surfaces. Imhotep réussit, malgré toutes les difficultés qu'il y avait nécessairement à vaincre, à transposer dans la pierre, avec un art consommé, des formes propres à d'autres matériaux,et plus particulièrement à la brique crue, dont l'architecture avait alors atteint un grand développement. C'est sans doute avec la collaboration précieuse des fabricants de vases de pierre qu'il put réaliser cette transposition. Ces derniers, pour se consacrer principalement à la taille et à l'épannelage des nouveaux éléments architectonique en pierre, durent dès lors reléguer au

second plan leur industrie, dont l'apogée avait été atteinte dès avant le début de la Ière dynastie, vers la fin du quatrième millénaire avant notre ère. Le recul de cette industrie ne fera, en effet, à partir de la IIIème dynastie que s'accentuer au fur et à mesure du développement de l'architecture de pierre, de la sculpture et de l'art du bas-relief.

     Les projections vont vous montrerr les différents vestiges de ce si vaste complexe monumental de la yramide à degrés, qui couvrent 15 hectares et furent exhumés des sables en majeure partie de 1.924 à 1.931 par Cecil M.Firth, l'archéologue anglais alors chargé des fouilles à Saqqarah pour le Service des Antiquités de l'Éqypte, que dirigeait despuis 1.914 le successeur direct de Gaston Maspero, Pierre Lacau. C'est par ce savant égyptologue que je fus engagé pour 8 mois; il  ya a de cela plus  de 68 ans, en vue d'étudier les très nombreux éléments architectoniques sortis des fouilles de Firth et assister ce dernier dans ses recherches. Mais il y a lieu, sans plus tarder, de vous présenter et commenter nos projections.

    

                       Conclusion

 

     En résumé, il convient dans l'oeuvre architecturale si remarquable d'Imhotep à Saqqara de distinguer deux sortes d'édificies de caractères fort différents. Les uns au rôle purement figuratif ou symbolique sont le plus souvent pesque entièrement massifs intérieurement, tandis que les autres à destination pratique ou cultuelle effective présentent, au contraire, des plans accessibles aux divers officiants. Les édifices du premier groupe, essentiellement ceus de l'ensemble dit du "Heb-sed" et les "maisons du Sud et du Nord", qui traduisent dans la pierre les formes issues d'une lointaine architecture prédynstique, ainsi providentiellement retrouvée, marquent l'apogée et le terme de l'art Thinite, mais ne constituent pratiquement que des simulacres: nous avons affaire là à des maquettes réalisées en dur et en vraie grandeur, formant un immense décor à vertu magique mis à la disposition de ka royal pour l'au-delà. Pareille architecture, où les éléments architectoniques des façades sont traités  en simples hauts-reliefs, ne pouvait ainsi guère avoir de lendemain et dut bientôt céder la place à la figuration en bas-reliefs, qui, tout en nécessitant beaucoup moins de superficie, offrait des moyens d'expression infiniment plus riches. Dès le début de la IVème dynastie, en effet, les parois des salles des temples funéraires royaux se convriront de bas-reliefs où seront évoquées toutes les scènes susceptibles d'assurer magiquement la survie royale de ka dans l'au-delá.

 

     En revanche, les constructions du second groupe, comprenant principalement l'enceinte à redans et son bastion d'entrée suivi du long hall aux colonnes fasciculées, ainsi que la Pyramide à degrés même avec son temple de culte funéraire accolé à sa face nord ont manifestement constitué le point de départ de l'architecture en pierre de taille. Tout en substituant cette dernière à la brique crue ou au bois, Imhotep sut garder à l'architecture nouvelle qu'il créait, la pureté et la remarquable élégance des constructions antérieures, qui utilisaient ces matériaux plus légers. Les proportions données par lui tant aux divers murs à redans qu'aux travées de la colonnade d'entrée et aux portiques à colonnes cannelées du temple funéraire demeurent à l'échelle humaine et témoignent de la plus heureuse harmonie. On y trouve les lignes simples et pures de l'Ancien Empire, mais sans le caractère massif que l'architecture predra bientôt sous la IVème dynastie. Si les colonnes apparaissent encore systématiquement engagées dans des piles d'appui ou des mur, cela fut dans le souci légitime, étant donné le grand fractionnement de leurs tambours, d'assurer leur stabilité pour l'éternité. De même, leurs bases évasées pour permettre une meilleure assise sur le sol, et leurs larges abaques facilitant la prise en charge des architraves témoignent déjà d'un sens avéré des lois de la construction.

     Enfin, pour l'édification même de la pyramide à degrés, gigantesque escalier symbolique vers le séjour des dieux, qui allait recouvrir le mastaba initial avec son vaste puits contenant le caveau en granit de Djoser si profondément enfoui, Imhotep fit là encore oeuvre magistrale. Il imagina pour élever ce monument jusqu'à une soixantaine de mètres, hauteur considérable pour l'époque, une structure en tranches, inclinées de 161, de gros blocs à lits ainsi déversé d'autant vers le centre, agissant comme des contreforts successifs accolés les uns aux autres. Sa pyramide à degrés fit école, les successeurs de Djoser en construisirent également, et c'est de ce type de superstructure que naquit moins d'un siècle plus tard, avec l'avènement du roi Snèfrou, fondateur de la IVème dynastie, la pyramide véritable aux faces triangulaires. Ainsi, bien que le concept de cette dernière ne lui soit pas imputable, Imhotep peut, néanmois, à juste titre être considéré comme le promoteur de l'idée de ces constructions pyramidales, qui allaient pendant plus d'un millénaire marquer et abriter les sépultures des pharaons, tout en orientant l'évolution de l'architecture monumentale égyptienne vers le colossal qui en demeurera l'une des principales caractéristiques.

 

                                   Jean-Philippe Lauer.

 

                                                                                                                         

BIBLIOGRAFIA

Lauer,Jean-Ph.: Les Pyramides de Sakkara.I.F.A.O,Le Caire,1.991.               

                Sur l'emploi et le rôle de la couleur aux

                  monuments du complexe funéraire du roi Djoser.

              R.E.,tome 44, París,1.993.